jeudi 29 novembre 2007

Lettre ouverte de Pascual Catrilaf Curiche

Mes frères et sœurs MapuChe,

Je suis le machi Pascual Catrilaf Curiche de la communauté de Ragiñtuleufu (machi : autorité détentrice de la médecine mapuche). Je suis actuellement détenu dans la prison de Nueva Imperial depuis le 9 novembre dernier, jour où les policiers ont pénétré dans ma maison et emporté mon kultrun (tambour sacré), mes instruments de machi, mes vêtements et bijoux cérémoniels. Ils m’ont arrêté en même temps que mon frère Patricio, zugumachife (aide-machi) et quatre autres MapuChe : Moisés Curiche et son frère Damián, le lonko (autorité politique mapuche) Miguel Curiche, jeune mineur arrêté dans son école, et son frère Jesús.

Nous sommes tous accusés d’un délit que nous n’avons pas commis. Nous endossons tous un rôle fondamental dans la lutte pour notre existence en tant que MapuChe, sur le plan culturel, religieux et politique. C’est pour cette raison que je m’adresse à vous dans l’intention de dénoncer l’attitude de l’État et de ses pouvoirs face à la question mapuche. Des préfets se cachent derrières de fausses accusations, sans aucune preuve à l’appui pour nous enfermer. Cette attitude prouve que le soi disant respect qu’ils ventent dans leurs discours n’existe pas, et qu’il n’y a aucune volonté de comprendre l’importance de notre culture.

En tant que machi, j’ai été choisi pour aider, pour servir et pour guérir.
En tant qu’humain je sens que mes droits sont fragiles.
En tant que machi je sens que l’on méprise le rôle que nous avons, non seulement envers les MapuChe, mais aussi envers la société en général. Car notre médecine n’est pas discriminatoire : j’ai été choisi pour aider quiconque le nécessite.

J’ai le sentiment que cet emprisonnement relève d’une autre époque, que la lutte que nous menons depuis si longtemps pour qu’on nous respecte à tous les niveaux n’aboutie pas. Aujourd’hui, on continue d’emprisonner les autorités mapuche, et je ne veux pas croire que mes frères pourront tolérer cela longtemps. J’ai besoin d’être écouté et respecté. Je ne crois pas que la société chilienne rétablira le respect qui nous est du en envoyant les autorités mapuche dans ses prisons par le biais de lois injustes et discriminatoires.

Je crois que c’est vous mes frères, qui y veilleront. Car cette lutte continue.

Mon rewe se fera seul, mon lepun, l’espace où les forces ont choisi de me donner l’existence de machi restera sans protection. Tañi piji souffre et cherche à entendre l’ülcantü et le tayültu que la Nature m’a donné pour eux, et ma vie s’échappe au milieu de cette prison, au milieu de cette ville, dans cette situation injuste qui n’est autre qu’un homicide programmé par l’État chilien.

Pascual Catrilaf Curiche

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